2 - Chronicle I

Grâce aux efforts du Cardinal Seresin, les graines de la confiance semblaient avoir enfin pris racine. Le sinistre pressentiment d'une crise imminente était partagé par toutes les races. Le brasier de la guerre qui allait consumer le pays tout entier prit feu à un endroit que personne n'aurait pu prévoir – non pas dans les régions frontalières, ni même dans les régions glaciales du Nord où rugissent les monstres, mais au plus profond du royaume des hommes.



L'histoire nous enseigne rudement les leçons les plus têtues. Les humains semblent avoir besoin d'ennemis comme ils ont besoin d'air pour respirer. S'ils ne trouvent pas d'ennemis potentiels, ils commencent à agiter ceux autour d'eux. Depuis que j'ai pris connaissance du désastre du château de Giran, les mots de mon seul maître résonnent dans ma tête comme une trace perverse de sagesse : Puisque les Hommes sont nés du refus des Dieux, ils sont naturellement sales…



Après que l'Ambassadeur Elf eût passé les splendides portes du château d'Aden, le Duc Lewin Waldner, qui avait conservé le contrôle de Gludio, fut chassé du territoire. Le nouveau Seigneur n'était qu'un aventurier aux racines inconnues. A Dion, le Duc Ashton fut forcé d'abdiquer sont trône au profit des rebelles, fuyant vers Aden. Bloqué par les mercenaires Ol Mahum, les soldats du roi Amadeo ne purent venir au secours du Duc. La loi des sièges est cruelle - un chef rebelle qui capture un château devient le Seigneur légitime de tout le territoire. Le roi ne pouvait que confirmer le résultat. Les Humains firent bien d'en tenir compte - même si les rébellions externes atteignant le territoire, pouvait rapidement causer le déclin du royaume. Le destin prenait le chemin du chaos- une bataille important était en cours dans la partie la plus riche du royaume, marquant un tournant dans le déploiement des évènements.



Plusieurs affaires suspectes entourèrent la bataille du château de Giran. Comment, alors que les Seigneurs avoisinants étaient si abruptement remplacés, le Baron Carmon Esthus pouvait-il consacrer ses forces à une excursion pour conquérir Antharas? Où errèrent les survivants après la bataille? Où se trouvait le baron lui-même et pourquoi a-t-il confié son château à Leona Blackbird dont l'importance était jusque là inconnue?



Pourquoi ceux qui se trouvaient sur le champs de bataille se délectaient-ils allègrement du fait que les choses avaient toujours été ainsi? Les réponses sont aussi évidentes pour Sieghardt Ein, un mercenaire ayant voyagé d'ELmore pour se battre au siège, que pour la jeune princesse qui lutta pour défendre le château à la requête du Baron. Pour ces deux-là comme pour d'autres semblables, les raisons en étaient les Présages de Guerre.






Le campement militaire se préparant à assiéger le château de Giran.



Aux abords du Lac Innadril se dressent Giran et Innadril. Un immense désert s'étend jusqu'au Défilé de la Mort. Une rivière de larmes s'écoule du sud jusqu'au Lac Innadril. Sur la colline, au-dessus de la côte nord-ouest, se dresse un château avec de tous les côtés, une vue sur le lac.



C'était une de ces brûlantes journées d'été où le soleil transperce le ciel comme une flèche. Les douves entourant le château brillaient de milles feux, cependant que les nuages des montagnes noires du nord prédisaient l'arrivée imminente de pluies torrentielles. Les corbeaux croassaient, tandis que les 2 armées attendaient l'approche du moment de la bataille.



Graham n'était qu'un vieil homme portant de vieux habits coûteux, représentant un seigneur de château comme un commerçant visiterait un palace. A son arrivée à la tente, Sir Graham ajusta sa cape et se plaignit du vent de l'ouest.



Contrastant avec lui, Erika Ken Weber attachait ses cheveux pour qu'ils volent avec le vent. Son trouble avant la bataille était exacerbé par les récriminations de Sir Graham. Les drapeaux de clan autour du campement grondaient comme de gigantesques feux de camp en plein vent. Sur le coté, les mercenaires s'occupaient d'une cachette de fournitures, distribuant les flèches.



"Grâce à la bonne volonté du Seigneur et à son grand investissement, nous n'aurons pas à subir de pénurie de matériel. Si seulement les autres choses pouvaient être gérées aussi bien par vous, les mercenaires ou ces combattants de seconde classe."



Graham se moucha, promenant son regard désagréable sur le campement. Un autre clan destiné à siéger, se préparait silencieusement au combat. Un groupe de 30 Elfs Noirs, équipés de fines épées polies et d'armures de mithril fut déployé sous un drapeau noir sur lequel se dessinait un loup rouge. Au premier plan, une Elfe Noire aux cheveux d'argents, commandait le groupe.



"Ne vous inquiétez pas, ce sont les mercenaires de la fraternité du Loup Rouge. Il est dit qu'ils ont récemment surpassé un groupe de chevaliers griffon de haut rang dans une guerre de clan."



"Oh… C'est impressionnant," répliqua Graham d'un regard inconvenant.



"Il est aussi dit qu'ils n'ont ni fierté ni compassion, mais la mauvaise réputation d'être agacés et d'abandonner ceux qui les emploient. Récemment, quelqu'un faisant partie d'une guilde commerçante a essayé de les engager mais s'est retrouvé la langue coupée. Il avait du dire quelque chose de mal."



Les yeux de l'Elfe Noire se dirigèrent sur Erika, comme si elle avait senti son regard. En un mouvement délibéré, Erika porta son bras droit sur la gauche de sa poitrine, et se pencha dans un geste de salut. Sir Graham se détourna rapidement.



"C'en est assez de l'inspection, retournons voir Sir Sieghardt."



"Si tel est votre souhait, mon Seigneur."



Avant qu'elle ait fini sa phrase, Graham lui tournait déjà le dos alors qu'il se précipitait vers le camp de mercenaires. Erika sourit.



De toutes les guildes naines, l'Écume Noire était connue pour créer et utiliser d'étranges appareils mécaniques. La rumeur disait que l'Écume Noire avait participé à la tragédie de Dion, quand le Noyau de la tour de Cruma avait été réveillé.



"C'est bon, comme vous voulez, je n'ai rien d'autre à dire pour le reste."



Sieghardt leva ses deux mains et les 3 nains présents levèrent les paumes. A l'arrière de leur main, se trouvait un tatou à la forme d'une enclume. Ils bougeaient leur petites jambes tout en parlant et Sieghardt hochait la tête de temps en temps tandis que les nains expliquaient quelque chose. Finalement, le chef Nain serra la main de Sieghardt et les nains s'en allèrent tout aussi bruyamment. Erika eut une petite toux sèche et parla prudemment d'une voix quelque peu forte.



"Nous sommes en avance sur l'emploi du temps mais Sir Graham pense que l'inspection est terminée, Général."



Sieghardt parut surpris mais Graham hocha la tête en signe d'acquiescement.



"J'en ai vu assez de la digne apparence des troupes de Sir Sieghardt. Je suis impatient de voir les résultats de la bataille. Mais…"



Graham fit une pause et regarda Erika. Erika hocha la tête doucement. "Je sors un moment"



"Non," dit Sieghardt, "C'est bon. Erika est un serviteur de confiance."



"Dans ce cas…" Graham ouvrit la bouche sur le point de parler, mais hésita à nouveau.



"Comment pouvez-vous faire confiance aux Nains ?" Un sourire se dessina doucement sur le visage de Sieghardt.



"Je n'ai jamais dépendu des Nains de la sorte avant aujourd'hui, mais ce serait une offense que de ne pas les accepter, considérant toute la sincérité dont ils ont toujours fait preuve à mon égard."



Semblant satisfait, Graham s'en alla sans un mot de plus, laissant Sieghardt et Erika par eux-mêmes.



"Cela ne me dérangeait pas de sortir mon Général, mais je vous suis reconnaissante pour avoir dit que j'étais un serviteur de confiance."



"Nous allons devoir parler de beaucoup de choses durant la bataille, mais c'est plus compliqué encore de devoir tout expliquer à nouveau plus tard." Sieghardt ajouta ensuite, comme s'il pensait soudainement à quelque chose : "Les choses sont vraiment en avance sur l'emploi du temps. Je pense que vous avez fait un travail complet jusqu'à la commande de la dernière pomme de terre."



Erika toucha ses cheveux doucement dans un signe de modestie.



Elle voulut lui demander à propos des Nains, mais décida que Sieghardt le lui dirait bien assez tôt. Il concevait toujours seul ses stratégies et ne donnait comme instructions à ses subalternes que ce qu'il était nécessaire d'être fait. Elle avait été surprise plusieurs fois au début, mais s'était récemment habituée à ses ordres inopinés.



L'Elfe Noire qui commandait les Loups Rouges les attendait tous les deux lorsqu'ils émergèrent du camp. Elle s'approcha de Sieghardt et tendit la main. Après avoir doucement déposé ses lèvres sur sa main gantée de cuir sekaman, Sieghardt lui fit part de quelques compliments en language noir-elfique, langue avec laquelle Erika était peu familière. La femme eut un sourire crispé mais ne dit mot, retournant au camp où les races étaient rassemblées. Elle semblait bien aimer Sieghardt.



Les mercenaires défenseurs furent déployés sur les murs du château. Se protégeant les yeux du soleil à l'aide de la main, Erika les inspecta soigneusement. Elle pouvait voir que beaucoup d'Elfs avaient des physiques légers, doux, et cette peau couleur perle que les femmes de Ruhn leur enviaient tant. Non loin, se tenaient aussi quelques mages habillés de robes d'une pure blancheur, leur bâton à la main.



"Il y a 20 archers ou plus au-dessus de nous. Nous devons nous attendre à beaucoup de pertes quand nous attaquerons les portes du château."



"Ne vous inquiétez pas Erika," dit Graham d'une voix pleine de confiance. "Ceci est l'étendue de leur forces. Vous pouvez être certaine qu'ils n'ont pas touché à beaucoup plus que des outils de ferme avant ceci. Leur arcs ne peuvent cacher leur infériorité numéraire."



Sans parler, Sieghardt regarda les forces déployées sur les murs du château et laissa un sourire se dessiner sur son visage.



"Leona… elle n'est pas mal."



Erika avait entendu ce nom récemment. Quand elle avait appris que le Seigneur de Giran avait attribué la responsabilité de la défense du territoire à une fille de même pas 20 ans, elle avait éclaté de rire incrédule.



Bien que Leona avait déjà commandé avec succès des forces dans d'autres conflits, Sieghardt et Erika avaient vaincu des rivaux bien plus formidables qu'elle. Cependant, ils étaient troublés par la rumeur qui disait que Leona avait reçu la protection divine du Dragon de Feu, Valakas.



Erika balaya toutes ces rumeurs de son esprit. Peut-être connaissait-elle trop bien toute l'histoire. Indifférent, son Général qui se tenait devant elle, pouvait tuer un adversaire tout en riant. Elle ne savait pas à quoi il pensait; seulement qu'il allait gagner. Elle lui confierait la bataille et se concentrerait sur le travail donc elle était en charge.



Soudain, les soldats agités furent sur le qui-vive. Certains montrèrent du doigt les portes du château, une expression d'incrédulité sur le visage. Dans un crissement strident, les portes du château s'ouvrirent et un Elf, portant sur sa peau de porcelaine une cotte de maille elfique, émergea. Planté dans des bottes de platine et portant une épée long à la taille, il leva une main droite vide dans un geste de paix.



"Il semblerait qu'il soit venu se rendre."



L'Elf traversa le pont au-dessus des douves, et se dirigea vers l'endroit où Sieghardt et Erika se tenaient, approchant prudemment d'un pas agile. Il s'inclina courtoisement devant Sieghardt puisqu'il était le chef des attaquants. Sieghardt fit un signe de tête mais l'Elf se redressa et parla d'une voix élégante.



"Ceci est un message de Leona Blackbird qui, en tant que représentante du Seigneur, est en charge de la défense du château de Giran."



L'Elf tira un parchemin de sa ceinture et le déplia des deux mains.



"Brave Commandant, Braves Soldats. Du fond de mon cœur je loue votre dignité et obeissance. En tant que défenderesse du château de Giran, je vous implore de déposer vos armes et de retourner d'où vous venez. La propriété de ce château fut décidée il y a bien longtemps, et il n'y a pas de raison que cela change. Qu'importe ce que vous recherchez, ce n'est pas par la force militaire que vous l'obtiendrez. Cette déclaration est aussi une mise en garde: si vous persistez dans cette attaque inconsciente, vous subirez peut-être un destin cruel. Au nom de Leona Blackbird, Commandant de la défense du château de Giran, je n'ai plus rien à dire."



Le faciès déformé de Graham contrastait avec le rire rafraîchissant qui couvrait le visage de Sieghardt.



L'Elf qui avait fini de parler à voix haute, n'affichait aucune expression. Comme toutes les autres tribus sylvestres qu'Erika connaissait, cet Elf avait ce visage qui ne trahissait pas la moindre émotion. Attendant la réponse de Sieghardt, il se tenait là, sans cligner des yeux. Sieghardt s'éclaircit la voix et hurla.



"Partez et dites à cette jeune femme que vous considérez comme votre chef, que je ne ferai aucun mal si elle me remet le château! C'est tout."



Des rires fusèrent de toutes parts du camp attaquant au cri de Sieghardt. Cependant, l'Elf répondit sans hésitation ni même le moindre signe d'agitation.



"Je transmettrai que vous avez rejeté la requête de Dame Leona. Je m'en vais."



L'Elfe s'en retourna vers les portes du château, offrant son dos sans défense.



Erika vint se placer aux côtés de Sieghardt.



"Si vous vouliez les mettre en colère, n'eut-il pas été mieux de lui trancher la gorge avant de le renvoyer ?"



"Quelle colère? Tout ceci n'est que formalité de siège."



"Vraiment? Y'aurait-il des principes à respecter, même avec cette fille, Leona?



Sieghardt opina du chef.



"C'est une règle. Tout doit se produire en respectant la volonté du château. Ils protègeront le château, nous l'envahissons. Nous exprimons nos intentions et décidons de la date et de l'heure. Ceux qui enfreignent les règles ne peuvent jamais être reconnus par le château."



"Mais cela ne donne-t-il pas avantage à ceux qui défendent le château?"



Erika hésita, mais Sieghardt rit en connaissance de cause. Quelle que soit la manière dont elle envisageait les issues possibles de cette bataille, elle ne pouvait imaginer une raison d'être vaincus. Erika soupira et étira ses épaules.



Soudain, un vent humide se leva, provenant des montagnes du nord.

Chapitre III : Présages de Guerre - Leona (1)

Leona regarda vers le bas, par-dessus le parapet du château de Giran, observant le retour de Vellion du camp ennemi. Le chevalier elf arriva bientôt et déclara formellement, "le chef des forces ennemies a rejeté la requête de Leona."



Elle laissa échapper un petit soupir à la confirmation de ce qu'elle savait déjà. Le visage de Vellion parut un peu égaré et Leona se demanda s'il n'avait pas aussi reçu quelque insulte de la part de l'ennemi. Elle examina le camp ennemi étalé hors du château.



"Eh bien, nous devrons nous battre. Merci pour tes efforts, Vellion."



Le chevalier elf opina courtoisement du chef en réponse.



"Comme nous en avons discuté ce matin, Vellion, je veux que vous dirigiez les fantassins. Si l'ennemi parvient à passer les portes du château, vous devez les empêcher d'atteindre la cour intérieure. Le Baron Esthus m'a chargé de la défense de ce château et je voudrais empêcher l'ennemi de jamais atteindre l'intérieur du donjon.



"Je ferai de mon mieux. Le reste se trouve entre les mains des Dieux."



"Que la bénédiction des étoiles soit toujours avec toi."



L'elf descendit gracieusement les escaliers et disparut de sa vue. Leona soupira à nouveau, bien plus profondément que l'instant auparavant.



Moins de la moitié des forces défensives étaient restées à l'intérieur du château. Même Cardia de Hestui et d'autres sur lesquels Leona pouvait toujours compter, étaient hors du château. Les ennemis étaient apparus au moment le plus inattendu. Des espions se seraient-ils introduits entre les murs du château ? Et si tel était le cas, en qui pouvait-elle encore avoir confiance ?



Pendant un instant, ses suspicions s'affolèrent et toutes sortes de doutes s'immiscèrent dans son esprit. Cette fille, qui avait été projetée dans un rôle de Seigneur de château, essayait d'évacuer ces pensées qui la tourmentaient.



La colère s'empara de tout son corps comme la brume enveloppant un lac. Les jointures de ses mains devinrent blanches alors qu'elle s'emparait d'une pierre qui traînait sur les remparts.



"Je suis prêt à vous aider à la défense du château Dame Leona."



La déclaration venait de derrière elle, d'une voix qu'elle n'avait plus entendue depuis très longtemps. Se retournant, elle réalisa qu'il portait la robe verte de cérémonie que seuls pouvaient porter les Grands Prêtres d'Eva.



"Ah Ellik, vous êtes arrivé !"



"Je suis désolé, mais nous avons été grandement retardé à Dion."



"Ne vous excusez pas. Vous êtes au courant de notre… situation ?"



Ellik fit oui de la tête. "J'ai rencontré Dubian à mon arrivée."



Les 2 compagnons d'armes déambulèrent lentement à travers le château.



"Comme vous le savez, la structure de ce château est très semblable à celle du château de Gludio. La bataille la plus féroce de ce siège fut celle de l'entrée de la partie interne. C'était le maillon faible de la chaîne de défenses du château."



"Je regrette la disparition du Duc Waldner. C'était un homme bon. Est-il toujours porté disparu ?"



Le silence du prêtre Elf révéla qu'il préférait ne pas en parler.



Sa voix se fit plus sévère. "Les portes du château ne peuvent être défendues." Leona essayait de refouler les larmes qui montaient. "N'y a-t-il donc rien que nous puissions faire ?"



"Ce serait bien de gagner du temps aux portes du château et de réduire leurs rangs à partir de la protection établie sur les murs du château. Dès que l'ennemi réussit à pénétrer, il faut que nous soyons prêts à retirer nos troupes vers l'entrée du château intérieur."



"C'est aussi ce que je pense. Nous n'avons vraiment pas d'autres choix."



Ellik hocha la tête en signe d'acquiescement.



Leona retourna aux remparts du château. Baladant son regard sur le champ de bataille, s'arrêtant sur le blason à tête de chèvre sur fond noir qui ornait un des drapeaux. Tel un fardeau, elle pensa. "C'est donc là-bas qu'attend l'ennemi."



"Je suppose que ces pensées sont partagées par la partie adverse."



"Leurs actions ne sont pas de celles qu'un chef ordinaire oserait prendre, ni qu'un conseiller ordinaire recommanderait. Ellik, cette guerre déraisonnable est une dangereuse force qui se dessine devant nos yeux. Nous devons trouver un moyen de l'emporter."



Ellik observa Leona un instant – cette jeune humaine dont l'âge n'atteignait même pas le dixième du sien.



"Je suivrai vos instructions, Leona."



Elle retourna résolument vers les rangs des soldats et assigna les positions de combat aux archers et mages. Plus tard, alors qu'elle donnait les instructions de sa stratégie finale aux fantassins, de la cour intérieure, Ellik amena à sa rencontre une jeune femme elfe. Pendant les présentations, Leona remarqua qu'elle portait de très longs cheveux d'or et des traits fins. Autour de son cou se trouvait une amulette d'Eva, Déesse du lac.



Beaucoup des jeunes fantassins fixèrent la jeune elfe comme si c'était la première fois qu'ils voyaient une femme elfe en chair et en os. "Si seulement vous étiez moitié aussi attentifs à mes instructions," railla Leona ironiquement. Les soldats baissèrent tous le regard, soudain embarrassés. Dans un sourire, Leona invita les elfs à la suivre pour faire les présentations ailleurs.



"Voici Luellin, Oracle de mon commandement." Leona pouvait voir qu'il s'agissait d'une Elder de haut rang dans la société Elfe. Elle inclina la tête en salut à l'Oracle, espérant cacher sa nervosité.



"Durant la bataille, elle vous couvrira de sa magie protectrice et de ses soins."



Leona tendit la main. "Avec nos maigres ressources, les archers et les fantassins bénéficieraient bien plus de ces protections. S'il vous plait, assignez cette personne à la défense de Vellion, dans la partie interne du château. Recevoir une telle protection me parait injustifié."



La réponse d'Ellik fut polie, mais ferme. "Vous êtes notre chef. Nous prenons les mesures nécessaires pour vous protéger de toute blessure. Ne pas le faire mettrait la sécurité de tous en danger."



Réalisant qu'il avait parlé trop fort, il jeta un coup d'œil rapide aux fantassins, qui paraissaient trop occupés pour croiser son regard. Il parla à nouveau, un ton plus bas.



"Lorsque le siège commencera, tout ça ressemblera à une scène d'une incroyable confusion. Sincèrement, j'abhorre ce genre de bataille. La vie des jeunes, comme celle des vieux, qui auront subi déjà tellement d'épreuves, va disparaître en un instant. Au milieu de tous ces doutes, une seule chose est absolument certaine : Votre vie ne doit pas être sacrifiée."



Réticente, Leona acquiesça, sans un mot.



Une corne sonna au loin. Son hurlement plaintif poussa tout le monde au château de Giran à se préparer à la bataille ou à fuir avant le chaos qui allait suivre. Son retentissement régulier inspirait aux forces des deux côtés un objectif renouvelé.



Beaucoup d'entre eux rejoindraient bientôt les rangées de pierres dans quelque cimetière négligé.



Sur les remparts, les archers encochèrent les flèches, destinées à la masse, et bandèrent les arcs de toutes leur forces. Le bleu des soulshots se mélangea aux sorts lancés par les mages, jusqu'à ce qu'une aura dorée parcoure le corps des archers.



Les unités de soldats offensifs se mirent en rang par trentaines, attendant le signal. Enfin, les commandants sur le champ de bataille dégainèrent leurs épées et les soldats entamèrent leur marche vers le château dans un crescendo de piétinements ponctué par des cris de guerre.



Des centaines de flèches transpercèrent le ciel en un cruel arc-en-ciel.



La bataille avait commencé.

Comme prévu, la Confrérie du Loup Rouge fut la première à atteindre les portes du château. Les guerriers comptaient faire tomber les portes rapidement, mais une fois le pont franchi, des fantassins elfs surgirent de passages cachés sur les côtés et bloquèrent toute possibilité de retraite. Les fantassins de la défense portaient des armures légères, faisant usage de leur grande dextérité. Leur commandant était ce chevalier elf qui était venu seul au camp de Sieghardt pour transmettre la déclaration. Plutôt que se confronter directement aux Elfes Noirs, ils s'étaient déplacés habilement afin de les empêcher de fuir. Résultat, les Loups Rouges furent abattus par une pluie de flèches qui se déversa par-dessus les murs du château, tombant les uns sur les autres. Même si Sieghardt avait envoyé des troupes de secours, les Loups Rouges auraient été complètement abattus.



En voyant les premiers attaquants se faire décimer si cruellement, le moral des autres soldats chuta rapidement. Le temps semblait changer en fonction des évènements qui se produisaient au sol. Un ensemble de nuages, gonflés par le vent du nord, bloquait le soleil, colorant le ciel d'une teinte de cendres ardentes.



Pendant que ces évènements se déroulaient, Erika observait l'expression de Sieghardt. Son visage portait l'expression de quelqu'un qui venait de mordre dans quelque chose d'extrêmement amer.



Elle ne put contenir sa surprise de déception. "Ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais !"



Toujours silencieux, Sieghardt semblait décrypter quelque impénétrable code dans sa tête. Erika décida d'observer les évènements sans plus dire un mot.



Graham, qui se tenait debout non loin, eût l'air très mécontent. Il piétina maladroitement et s'exclama finalement.



"Ces mercenaires coûtent une fortune ! Utilisez-les maintenant sinon on va les gaspiller !"



Sieghardt ignora complètement Graham et donna ses instructions à son assistant.



"Retraite de la confrérie des Loups Rouges. Archers devant. Visez les pieds des soldats et lancez 3 coups d'explosifs. Ensuite, faites feu sur les archers sur les remparts. Guerriers à griffes, préparez-vous à débarquer."



Le messager dispensa les ordres haut et fort aux troupes. Bientôt, de multiples unités de rangée avancèrent pour combattre en trois groupes de cinq. Obeissant aux ordres de Hawkeye et Phantom Ranger, ils encochèrent leurs flèches, bandèrent leurs arcs et se déversèrent comme de l'eau. Leurs tirs volèrent dans le vent, se divisant en centaines de pièces, allumant plusieurs feux aux pieds des Elfes. Heureusement, les survivant de la confrérie des Loups Rouges, et les unités qui avaient risqué leur vie pour les sauver, en réchappèrent sans trop grandes pertes.



Graham frappa du pied, frustré d'avoir été ignoré. Ayant atteint les limites de sa patience, il posa la main sur le dos de Sieghardt. Les oreilles de la panthère noire qui dormait aux côtés de Sieghardt se dressèrent. Dans une sorte de léthargie, l'animal redressa le dos et s'interposa entre son maître et Graham. La panthère heurta de son épaule la jambe de Graham et le déséquilibra. S'étirant le cou, la bête se frotta contre son bienfaiteur, miaula, et lança à Graham un regard dédaigneux. Graham se reprit, fit un pas silencieux en arrière, ayant très vite ravalé son attitude aggressive. Peu avant, Sieghardt avait invoqué cette panthère du fond des ténèbres.



Bien qu'Erika ressentît quelque sympathie pour Graham, elle prit un malin plaisir à la vue de son soudain silence.



En de longues caresses, Sieghardt pétrissait la fourrure épaisse et luxuriante du l'immense chat qui répondait par de bruyants ronronnements. Calmé par cet acte thérapeutique au point d'être quasi en transe, le chef s'adressa à Graham d'un ton divin, détaché.



"Ne vous inquiétez pas, Graham. Etant donné qu'ils sont sacrifiables, nous les utiliserons comme bon nous semblera."



Sieghardt fit signe à son serviteur de lui apporter une chaise et sa voix se fit plus autoritaire.



"Le plus gros de la bataille n'a pas encore commencé. Maintenant, pour votre propre bien, prenez un siège et regardez l'action à distance confortable."



Déconcerté, Graham ne put faire autre chose que s'asseoir et rester silencieux pour l'instant.



Une goutte. Deux gouttes. La pluie commençait à tomber sérieusement. L'humidité épaisse qui couvrait le sinistre se transforma en un déluge torrentiel de grosses gouttes mordant les visages épuisés. Le champ de bataille devint un bourbier de vase brune. Le temps passait et le bruit du fer s'entrechoquant continuait inlassablement, les cris des mourants devenaient de plus en plus forts, sans égard pour les vents capricieux.



Un orc s'accroupit sous la pluie à quelque distance des cris agonisants. Sharkdune, qui par sa race avait reçu le titre de Destroyer, était en plongé dans une profonde méditation. Contrairement à son naturel silencieux, des pensées de malice pénétraient son for intérieur. Aurait-il pu se plonger dans la bataille, que le Destroyer aurait déjà montré à l'ennemi la véritable signification de titre. Erika était curieuse de ce à quoi il pouvait penser en ce moment. A ses frères à qui fut reproché d'être des traîtres ? A ce jour honteux où il fut condamné à l'exil par le Prince des flammes ? Ou peut-être pensait-il à sa fiancée qu'il avait laissée à la maison ?



Du sang coulait de son épaule, luisant sur les tendons de son dos, large et puissant. Sharkdune était prêt pour la bataille.



Ses meilleures troupes, à peine plus d'une vingtaine, attendaient patiemment sous leurs manteaux les ordres de leur commandant. L'un d'entre eux tendit un autre manteau, mais le chef leva la main gauche sans se tourner et déclina l'offre de son subordonné. Erika, témoin de la scène, décida qu'elle préférait être sous les ordres de Sieghardt que sous ceux de cet Orc.



"Si vous ne vous dépêchez pas de les envoyer à la bataille, Sharkdune pourrait bien arriver en courant avec ce gourdin."



Comme s'il attendait le moment propice, Graham parla. Se protégeant de la pluie avec un morceau de papier huileux, il se voûta dans la chaise fournie par Sieghardt.



"Cet Orc est le Destroyer qui a détruit l'un des villages orc Taik dans la Forêt des Miroirs !"



Sans sourciller, Sieghardt resta impassible pendant ce qui sembla une éternité. Finalement, Graham haussa les épaules et tout en grommelant, s'affaissa à nouveau dans sa chaise.



"Comme d'habitude, notre chef infaillible sait tout et ne dit rien. Mais s'il perd –"



"Nous allons gagner." coupa Erika.



Dégoûté, Graham se mit à bouder et disparut derrière le camp. Erika était contente qu'il soit parti, même s'il avait échappé à la réprimande physique.



La pluie se transforma en torrent. Au nord-ouest, les éclairs teintèrent le paysage de blanc. Le tonnerre éclata plus loin, comme un bruit lourd et sourd de tambour.



"La lumière intense et la pluie me rappellent une scène héroïque des chansons de bardes." songea Erika.



Un messager approcha, salua Sieghardt et énonça à voix haute.



"Notre unité a été détruite ! Le chef de l'unité "Soupir de Sorcière" est mort !"



"On le voit bien, idiot !"



Avant que Sieghardt ait pu dire quoique ce soit, Erika s'était approchée du messager, hurlant d'une voix stridente, ayant perdu le contrôle de ses émotions. Les chefs d'unité en attente des ordres regardèrent en direction du vacarme. Erika fut contrainte au silence par la panthère noire de Sieghardt qui la poussa de la tête et grogna doucement.



Enfin, Sieghardt prit la parole.



"Qu'en est-il des Elfes ?"



"Vous voulez dire l'ennemi ?" Shaken, le messager, essayait tant bien que mal de répondre. " Ils ont commencé à reculer. Mais il semblerait que certains résistent encore à l'extérieur du château."



Sieghardt eu un sourire forcé. "Bien sur, c'est ainsi que le jeu doit se jouer."



Il demanda aux gardes d'apporter une lanterne. La prenant directement, il se dirigea vers le bord de lac et fit des signes en direction du lac embrumé. Une flamme apparut au milieu du lac, comme en réponse.



Soudain, une énorme vague éclaboussa, rejetant des pierres vers les montagnes qui se trouvaient en face du campement. Quelque chose bouillonnait dans l'eau. Un nouveau bruit vint s'ajouter à celui des vagues et de la pluie, tel le croassement d'un oiseau. Il se changea en un bruit de craquement, comme si des centaines de portes en bois s'ouvraient et se refermaient. L'eau éclaboussa à nouveau et des vibrations émanèrent de la terre. Un corps énorme, tel une énorme colonne, s'érigea au travers de la brume épaisse. Erika chercha le bout de la colonne mais réalisa qu'il s'agissait de quelque chose de bien plus grand. Déjà à ses côté, elle du se retourner complètement pour appréhender la chose entière du regard.



Cela ressemblait vaguement à une forme humaine, mais avec des bras étrangement longs. Le corps entier était couvert de vase et de végétation, comme un géant apparaissant du fond du lac. Les filets de pluie le lavèrent de ces impuretés. Alors qu'un éclair transperçait le ciel, Erika put voir clairement son visage.



"Un golem ?"



Le monstre passa aisément au-dessus des têtes, se dirigeant vers les murs du château d'un pas lourd et pesant.

Chapitre V: Présages de guerre – Leona (2)

Sur les remparts du château de Giran.



Les mots se perdirent au plus profond de la bataille. Les bruits de la pluie et de l'entrechoquement des armes parurent devenir insipides. Dès qu'elle vit la chose, Leona sentit cette dure réalité oubliée lui tomber dessus telle une enclume. Un énorme Leviathan de fer plus imposant que les remparts, marchait négligemment vers eux. Les soldats protecteurs du château furent pris dans un chaos de panique, abandonnant leur devoirs, juste capable de regarder la chose.



"Tirez ! Tirez ! Pas besoin de viser sur une chose de cette taille !



Quelqu'un avait réussi à crier un ordre aux archers. Ramenée à la réalité, Leona retrouva ses esprits et leva instinctivement sa lance.



"Maintenez l'ordre ! Hurla-t-elle de toutes ses forces.



"Pensez à vos camarades qui ne reviendront jamais, ceux qui ont combattu Antharas et sont morts ! Agissez en l'honneur de leur sacrifice !" Un pied sur le rempart, elle pointa sa lance sur le fléau mécanique.



Ses officiers furent les premiers à répondre, ordonnant aux soldats de se lâcher sur les flèches et la magie. Mais les flèches rebondirent sur la coque du monstre géant telles des mouches folles. Les mages lancèrent des boules de feu qui ne laissèrent que des égratignures sur leur cible.



Le golem gris ignora leur résistance combinée et continua lourdement son chemin vers sa destination. A l'approche des douves, une traverse soutenant le pont grinça sinistrement. Réprimant son envie de hurler, Leona ordonna à ses forces de continuer la résistance.



Soudain, l'automate somnambule s'écrasa contre les murs du château avec la force d'une masse brute. Leona chancela près du précipice, s'effondrant sur quelqu'un qui l'attrapa fermement et la remis en lieu sur au-dessus de lui, interrompant ainsi sa chute.



Reprenant contenance, elle réalisa que la personne en-dessous était le sorcier Dubian de la Tour d'Ivoire. Sa robe était complètement recouverte de boue à cause de la pluie et ses cheveux lui collaient au visage.



Leona se mit debout et retourna vers le parapet, oubliant de remercier son sauveur. La machine déchaînée leva lentement son gigantesque bras pour rouer de coups les portes du château. Magie et flèches lancées sur le géant faiblirent, laissant des flammes sur un seul bras, qui très vite s'éteignirent.



Découragée, Leona ne put encourager ses soldats plus avant. Un regard languissant au loin, elle sentit le désespoir envahir ton son corps.



Dubian parla.



"Ce golem a été créé par un Nain forgeron de la Guilde des Enclumes Noires. Regardez les marques sur son épaule – elles représentent les Enclumes Noires elles-mêmes. Mais pour faire bouger un corps si imposant, il faut une source d'énergie extraordinaire."



Coupant court à cette longue explication, Leona répondit brusquement.



"Que cela peut-il bien faire? Cette chose va raser les portes du château. Nous devons trouver un moyen de la stopper !"



A ce moment, le château entier trembla violemment, d'une force bien plus puissante qu'avant. Beaucoup de soldats s'effondrèrent sur place et les sorciers tombèrent comme des pièces du haut de la Tour d'Ivoire. Leona s'accrocha des deux mains aux colonnes de pierre du parapet, à peine capable de résister à l'attaque. A chaque coup porté par le bras géant du golem, les bords épais qui constituaient les remparts se brisaient en éclats qui s'éparpillaient alentours.



Tout en s'appuyant au mur de la tour d'observation, Dubian cria.



"Celui qui contrôle cette chose doit être un Nain de la Guilde des Enclumes Noires. Nous devons le trouver ! Si nous pouvons le stopper, son golem ne sera plus qu'un tas de fer sans vie !"



Leona ne tint pas compte des flèches qui venaient du camp attaquant. Passant le haut de son corps par-dessus le mur, elle inspecta la scène. A cause du brouillard, elle ne put voir qu'un monde complètement enveloppé dans un voile laiteux.



Un autre choc violent s'ajouta aux bruits de destruction, provenant des fissures visibles sur les portes du château. De manière hésitante, Leona cligna des yeux, temporairement aveuglée par un soudain éclair de lumière provenant de la direction du lac. Elle courut le long du mur pour en déterminer la cause.



Dubian la suivit derrière, récitant des sorts qui formèrent une colonne magique de lumière circulaire. Une créature ressemblant à un chat avec des yeux exceptionnellement grands émergea, debout sur deux pieds. Le sorcier proféra d'autres ordres et la créature sauta par-dessus le parapet, mit ses pattes sur son front et regarda de l'autre côté du lac. Après un court instant, elle s'approcha du sorcier et communiqua mentalement avec son maître.



"Le Nain est au lac."



Leona passa à l'action. "Apportez-moi un cheval rapide !"



Elle se précipita vers les escaliers. "Combattre un adversaire qu'on ne peut voir est vain. Quelqu'un doit aller directement à la source."



"Non, vous ne pouvez faire ça ! C'est trop dangereux !" L'oracle elfe Luellin, qui n'avait pas dit mot jusqu'à présent, lui bloqua le passage.



Elle la poussa brutalement sur le côté et cria. "Pousse toi de mon chemin !"



Luellin chancela un peu, mais refusa de laisser Leona passer. Elle la regarda dans les yeux intensément et hurla avec désespoir.



"Ma vie, ainsi que celle de tous au château dépendent de vous !"



Sur les murs du château, les soldats fixaient Leona des yeux, soutenant la prière de Luellin.



Des gouttes de pluie, glaciales, lui mordirent la nuque, les épaules et la poitrine. Alors que Leona grommelait pour elle-même, un archer tendit la main et prit position.



"Arc !"



L'archer tendit l'arc à Leona. Elle marcha rapidement vers l'extrémité nord du mur du château.



"Dubian. Papier, crayon."



Le sorcier et l'oracle la suivirent. "Parlez. J'écrirai ce que vous me dites."



Leona atteignit la face nord du mur et attacha la lettre complète à une flèche. Elle se fia à sa mémoire pour retrouver le petit maquis localisé au nord-est du château et banda l'arc. La flèche dessina un arc et disparut dans la brume.



Un peu plus tard, elle regarda dans la direction qu'avait pris la flèche et se dirigea à nouveau vers la face ouest du mur. Elle avait encore tant de choses à accomplir.



Vellion dirigeait à peine plus d'une vingtaine de fantassins humains et elfes, dissimulés dans un petit maquis entre le château et le lac. Les attaquants ne pouvait pas imaginer que des forces déjà numériquement inférieures puisse avoir envoyé une unité séparée. Vellion et les fantassins étaient partis du château par une porte secrète au nord, où ils attendaient les ordres.



Ayant fini de lire la lettre attachée à la flèche, Vellion se dirigea immédiatement vers le lac. Il évitèrent les attaquants, qui étaient essentiellement concentrés devant les portes du château. Contournant la face orientale des murs, ils pistèrent le bord du lac conformément aux instructions de Leona. La brume dissimula les mouvements de la troupe jusqu'à ce qu'elle atteigne sa destination.



Ils se trouvèrent face à l'ennemi.



Un nain portait une lanterne, couverte pour la protéger de la pluie. Dans son autre main, il tenait un étrange appareil mécanique, le secouant et le remuant en direction du golem.



Les yeux de Vellion croisèrent ceux du Nain. Le Nain regarda derrière l'Elfe, écarquilla les yeux de surprise, mais se mit à rire.



Un gigantesque Orc armé de féroces griffes d'acier apparut derrière le Nain, qui se retourna et se cacha promptement derrière lui. Le chef lieutenant des fantassins apparut aussi, portant une armure lourde, blasonnée d'un mouton doré.



Vellion regarda le lac qui s'étendait derrière l'Orc, et soupira. Il dégaina lentement son épée.

Chapitre VI : Présages de Guerre – Erika (3)

Abords du lac du château de Giran



L'Elfe était étonnamment impitoyable. Le sang coulait le long du tranchant de sa longue épée elfe tandis que ses adversaires fuyaient pour sauver leur vie. Erika observa avec stupéfaction l'Elfe abattre 6 de ses soldats. Un rogue maigre et nerveux s'approchait de l'Elfe par derrière, se déplaçant furtivement à travers la brume. Sa main enserrait sa longue dague à dents de scie.



Erika regarda le rogue lever sa dague pour donner son coup mortel. Sans préavis, le cou du rogue fut tranché et son arme éjectée au hasard. Une orbe scintillante, de la taille d'un poing , retourna d'elle-même à l'Elf. Il se tenait debout tel une statue, mis à part ses yeux qui cherchaient après une autre cible. Son regard sans expression tomba sur Erika, qui était presque entièrement enveloppée par la brume.



"Venez ici."



L'épée déployée, une pâle aura entoura le corps de l'Elfe. Les soldats levèrent leur arme, et s'approchèrent de l'Elfe. Les mercenaires, d'abord assoiffés de sang, étaient tout d'un coup repus. La vue de leur alliés, tombés, brisés, éparpillés à travers le champ de bataille, ne fit rien pour les décourager alors qu'ils approchaient leur propre fin.



"Faites attention !"



Alors même que les mots sortaient de ses lèvres, Erika réalisa qu'elle n'était plus dissimulée par la brume. Elle marcha aussi vers l'Elfe, ne portant rien d'autre qu'une pitoyable dague.



L'un après l'autre, les mercenaires moururent par l'épée de l'Elfe. Erika s'efforçait de rétablir sa volonté, essayant de stopper le mouvement de ses pieds. C'était tout ce qu'elle pouvait faire pour rester tranquille alors que l'Elfe engageait l'allié Nain. Alors que le coup mortel était sur le point de s'abattre, Erika vit le Destroyer Sharkdune apparaître du brouillard. Il balança un marteau sur le Nain, le projetant dans le lac, à l'abris du danger.



Sharkdune enfila son Jamadhr à deux main alors que l'Elfe reculait. Un étrange cri de guerre, mi-hurlement, mi-chant, s'échappa de l'Orc. L'épée à double tranchant cingla vers le cou de l'Orc, mais il croisa ses griffes de métal, attrapant la lame. La petite forme qui voltigeait autour de l'Elfe émit une lumière tout en plongeant sur la poitrine de l'Orc. Faisant un pas en arrière, l'Orc saisit l'offensive. Les six griffes de son Jamadhr étincelèrent, encore et encore. L'Elfe évitait et parait les attaques.



Le visage de l'Elfe semblait fait d'argile et les avant-bras de l'Orc semblaient faits de cuir de dragon.



"Ça ne peut pas marcher comme ça." Pensa Erika.



Erika ramassa l'arc d'un archer mort, et trouva une flèche égarée dans la boue. Elle banda son tir et visa l'Elfe. Mais l'Orc et l'Elfe bougeaient si rapidement qu'elle ne pouvait viser sa cible. Sachant qu'elle ne pourrait pas blesser l'Orc sérieusement, elle lança sa flèche.



La flèche se glissa entre les deux guerriers, interrompant le flot des attaques de Sharkdune. L'Elfe ne fit pas attention à elle et attaqua avec son épée simple. Sharkdune tint bon, donnant des coups avec son Jamadhr. Les lames se heurtaient dans des éruptions de flammes artificielles. Le métal glissait sur le métal tandis que les combattants manoeuvraient leurs armes étroitement enlacées. D'une habile torsion de la poignée, l'Elfe brisa la garde de sa propre épée contre les solides griffes du Jamadhr. L'Elfe tira son épée, coupant les liens de cuir du Jamadrh, et entailla la peau qui se trouvait en dessous.



Le sang coula entre les griffes du Jamadhr de Sharkdune. Les lanières se défirent, enduites de sang. L'arme glissa de la main de l'Orc, tombant au sol, lourde et inutile.



Erika laissa échapper un cri et courut vers l'Elfe. La lame décrivit un arc vers elle avec une incroyable précision. Erika sentit la pointe de la lame lui fouetter les cheveux alors qu'elle se baissait et roulait au sol. Sharkdune eut un mouvement brusque, projetant son Jamadhr restant en avant. L'Elfe para d'une épée, enfonçant l'autre lame dans le flanc de l'Orc. Il hurla férocement. Erika se dressa sur un genou, puis bondit.



"Meurs !"



Elle mit le poids de tout son corps dans sa dague, pénétrant l'armure de Mithril, tranchant la peau et brisant les os, pour finalement toucher la vie même de l'Elfe.



L'Elfe s'écroula lentement. Alors qu'il tombait sur les genoux, une étrange tristesse envahit son visage. Ses paupières battirent et il tomba au sol.



Regardant Sharkdune, elle vit qu'il observait le corps de son ennemi en silence. Le sang coulait de l'endroit où l'Elfe l'avait poignardé, mais ce n'était pas une blessure mortelle. L'Orc défit le Jamadhr restant et le jeta dans le lac.



Erika se demandait si l'Orc était en colère contre elle pour être intervenu dans son combat contre son adversaire. Elle se tint debout un moment et décida de l'approcher. Touchant son épaule, elle parla à raison.



"Il ne vous aurait pas tué."



Sharkdune lui lança un regard lourd. Ses yeux témoignaient de son incertitude. Sans savoir pourquoi, Erika détourna le regard.



"Je suis désolée."



Sharkdune se dirigea vers le bord de lac, où le Nain qu'il avait sauvé soignait une plaie. Le Nain tenait une énorme arme, deux fois plus grande que lui. Sharkdune prit l'arme, l'agita en l'air et regarda Erika.



"Victoire."



Il parla comme si c'était une déclaration gravée dans la pierre et éclata de rire. Erika se laissa aller à un sourire. Puis elle ramena ses pensées vers la bataille.



"On dirait qu'il y a eu plus de résistance que prévu au château. Il reste beaucoup d'ennemis."



Un nain s'assit dans un arbre près du campement, une pipe cliqueta entre ses dents. Il porta un objet cylindrique à ses yeux et regarda vers le lac.



"L'opérateur semble être encore en vie, " dit une voix quelque part à la base de l'arbre.



Le Nain dégagea l'appareil de ses yeux et regarda en bas vers la source de l'interruption. Un humain était debout à coté du tronc.



"Qu'avez-vous dit ?" Demanda le Nain.



"L'opérateur du Golem semble avoir survécu."



Le Nain laissa échapper un rire chaleureux et du pouce, mit plus de tabac dans sa pipe. Les bouts de ses doigts, devenus calleux depuis longtemps par le travail de la forge, ne pouvaient plus sentir la chaleur des cendres.



"Quelle stupide réflexion."



"Quoi? Pourquoi ?" Dit l'homme debout sous l'arbre.



"Pour quelle raison agiterait-on une torche pendant la manoeuvre du Golem ?" Le Nain prit un profonde bouffée de sa pipe et parla lentement, délibérément. "Et pourquoi l'Orc aurait-il pris l'appareil des mains du Nain? Parce qu'il était trop lourd ?"



L'homme sous l'arbre écarquilla les yeux et, incrédule, regarda en direction du lac.



"Mais alors… pourquoi Sieghardt a-t-il utilisé une torche ?"



"Parce que c'est un renard. Avec un petit bout de flamme, il a attiré ses ennemis vers leur propre mort."



"Mais de là à risquer la vie de l'opérateur du Golem…"



Le Nain soupira. "C'est l'ennemi qui a supposé que la lumière de la torche provenait de l'endroit où se cachait l'opérateur – présomption que Sieghardt avait prédite et voulue. L'ennemi a payé le prix de sa sottise."



Le Nain sauta de l'arbre. L'Humain se précipita sur lui mais le Nain le repoussa, lui faisant comprendre qu'il n'avait pas besoin d'aide.



"On peut dire que ce fut un test réussi."



L'Humain aquiesca.



"Je vous fais confiance pour en parler en bien à ceux qui ont investi." Le forgeron de la Guilde des Enclumes Noires sourit avec satisfaction.

Chapitre VII : Présages de Guerre - Leona (3)

Dans le hall derrière le trône, la tension était à son comble. Seuls dix restaient, dont Leona. Elle se demandait combien d'entre eux auraient même la force de lever leur arme lorsque le moment viendrait.



Les dégâts étaient énormes, et la situation était sinistre, mais l'espoir demeurait. S'ils parvenaient à empêcher le chef des forces envahissantes de prendre contrôle du cœur du château – une relique sainte – ils en ressortiraient vainqueurs. Mais les forces de Sieghardt étaient très puissantes. Ils avaient essaimé la cour intérieure et fracassé la porte. A présent ils se dirigeaient sur la Sainte Relique et le seul passage pour y arriver était le hall gardé par Leona et sa troupe.



Leona ne put s'empêcher de remarquer la condition précaire de son groupe dépenaillé. Elle eut peur que blessures et exténuement n'aient raison d'eux avant même d'avoir la chance de confronter l'ennemi. Certains s'étaient retranchés ici hors de toute loyauté tandis que d'autres avaient été conduits ici par les circonstances de la bataille. Derrière Leona, l'Oracle Luellin était toujours debout. Mais Dubian s'était perdue dans le chaos. Et l'annonce de la mort de Vellion avait comme terrassé les troupes.



Alors qu'elle évaluait la scène, Leona remarqua qu'elle saignait. Luellin écarta les bras pour lancer un sort mais Leona l'interrompit.



"Garde tes forces pour les autres."



Les soldats avoisinants qui les avaient protégées avaient souffert bien plus sérieusement. Luellin fit ce qu'elle put pour soigner leurs blessures.



L'entrechoquement des épées fut remplacé par l'écho de pas agiles. L'ennemi avait abattu les derniers restes de la résistance qui protégeait l'extérieur du château. Leona dégaina son épée. Les soldats créèrent un périmètre de protection autour d'elle. L'ennemi apparu au détour d'un coin et Leona fit appel à ses forces pour crier.



"Gloire à Giran ! A l'attaque !"



La première vague d'ennemi fut coupée par une rangée de lances. La charge fut interrompue, et les défenseurs de Leona maintinrent leur positions. Un Orc massif se fraya un chemin à travers la mêlée, manipulant un énorme glaive. Leona doutait qu'il puisse en faire bon usage dans cet étroit hall surpeuplé. Mais elle fut horrifiée en voyant l'Orc percer le périmètre défensif.



"C'est dangereux ! Reculez !"



Leona poussa les soldats et alla à la rencontre de l'Orc, s'arrachant à la poigne protectrice de Luellin.



Le glaive de l'Orc coupa les chairs et fracassa les murs de granite. Sang et poussière emplirent l'air. La moitié de ses forces restantes gisait parmi les décombres. Une autre vague d'ennemi suivait, dans le sillage de l'Orc.



Leona ordonna à son unité de se retirer dans la Chambre de la Relique. Ils formèrent un cercle étroit autour de la Sainte Relique, alors que l'ennemi les cernait. Leona pouvait voir que le moment de reconnaître la défaite était arrivé.



Leona regarda lentement autour d'elle. Même la balustrade du deuxième étage avait été complètement envahie par les archers ennemis. Les flèches qui étaient dirigées contre elle bleuirent ensemble dans un sourd bourdonnement.



"Ne tirez pas."



Les soldats ennemis qui bloquaient l'entrée firent un pas un arrière, et Sieghardt Ein avança, suivi de sa panthère noire. Il regarda l'Orc et parla.



"Sharkdune. Il reste quelques forces qui résistent à l'est du château interne."



L'Orc ne fit pas un geste.



"Sharkdune !"



L'Orc tourna le dos, et quitta la Chambre de la Relique.



Le regard de Sieghardt survola les corps gisants pour tomber sur la fille qui se tenait debout, tenant une épée. Il lui fit un minuscule sourire.



"Cela fait longtemps Dame Leona. Ou les circonstances voudraient-elle que je vous appelle Seigneur ?"



"Sieghardt."



"Il est dommage que nous nous rencontrions en ennemis."



"Il n'y a rien à déplorer."



Sieghardt fronça les sourcils et regarda à nouveau la fille devant lui. Ses cheveux étaient trempés de sueurs, sa peau tachée de sang.



"Même marquée par la bataille vous êtes aussi belle que vous l'étiez la nuit que nous avons passée aux ruines de la forteresse."



Leona attaqua Sieghardt. Gracieusement, il esquiva son coup d'un petit pas de côté. Il tira son épée et para aussi son coup suivant. En cet instant, la pièce toute entière sombra dans le chaos.



Luellin fixa Sieghardt et commença son incantation, mais la panthère de Sieghardt bondit sur elle. L'Oracle épuisée ne put esquiver cette fois. La panthère la flanqua à terre, la clouant au sol de ses énormes pattes. L'oracle agita désespérément son bâton, mais la panthère l'envoya valser. La panthère enfonça alors ses crocs dans la gorge de Luellin. L'Oracle se relâcha, sa tunique bleue devint rouge.



Leona entendit les derniers cris de Luellin, mais n'eut pas le temps de ressentir quoique ce soit. Elle était la dernière. Elle était consciente d'être cernée par l'ennemi mais son regard continua de fixer fermement Sieghardt alors qu'elle l'attaquait à nouveau.



Pour on ne sait quelle raison, sa réaction arriva une demi seconde trop tard. La pointe de l'épée de Leona érafla sa tempe. Une goutte de sang coula sur la joue de Sieghardt.



Reprenant son souffle, Leona remarqua que les soldats de Sieghardt n'étaient plus concentrés sur elle. Ils commencaient à trébucher de manière incohérente, tombant les uns après les autres. Ce n'est qu'alors qu'elle remarqua la petite lueur violette qui stagnait dans l'air, s'accrochant artificiellement aux soldats inconscients. Au même instant, les archers qui avaient essayé de lui tirer dessus du second étage, étaient attaqués par une étrange créature ressemblant à un chat.



"Leona ! Par ici !"



Dubian de la Tour d'Ivoire accompagné d'une Elder elfe pénétrèrent la Chambre à la Relique. Une boule de feu apparut au bout de ses mains et vola vers Sieghardt. En même temps que l'explosion, le corps entier de Sieghardt fut entouré de flammes rouge sombre. Sieghardt croisa les bras pour se protéger la tête et roula au sol. Sa panthère noire fonça sur le sorcier. Dubian laissa échapper un cri, et s'effondra.



Leona courut vers Dubian. Sieghardt, qui avait éteint les flammes, lui bloqua le chemin. L'épée de Leona était emplie de l'énergie des esprits. Son arme fila vers la tête du Dark Avenger. Une fois encore, il la bloqua.



Tout d'un coup, un chatoiement rouge prit feu aux pieds de Sieghardt. Les tentacules d'un rouge fantomatique montèrent en vrille autour de ses jambes, l'immobilisant.



L'Elder finit de réciter son sort et appela Leona. Mais Leona se ruait au secours de Dubian. Dubian enfonça le bout de son bâton entre les dents de la panthère et le poussa des deux mains. La panthère tomba au sol, le bâton toujours dans la gueule. Dubian se mit sur pied. Une flamme blanche apparut à ses côtés et un éclair lumineux frappa brutalement la panthère. La panthère fut consumée par un nuage de fumée noire et disparut – renvoyée au royaume des enfers d'où elle était venue.



Alors qu'elle enroulait ses bras autour de Dubian, elle vit un des soldats de Sieghardt commencer à remuer. Il ne faudrait pas longtemps avant qu'il se réveille et reprenne ses forces.



Avant de quitter la Chambre de la Relique, elle se retourna et regarda le Dark Avenger. Tout en souriant, ses yeux brillèrent.



"Au revoir Leona Blackbird."



Leona sut qu'il attendait une réaction émotionnelle. Elle n'avait aucune intention de lui accorder cette satisfaction. Elle cessa de le regarder et ne dit mot.



Leona, Dubian et l'Elder elfe s'enfuirent par le hall jonché de cadavres.

Les nuages noirs qui avaient déversé la pluie sur Giran se dissipèrent lentement. Sieghardt, chef des mercenaires, se rassembla avec ses guerriers devant la Sainte Relique du Château de Giran. Les soldats observèrent Seigneur Graham pénétrant dans la pièce et cherchant Sieghardt qui écoutait un rapport.



"Les officiers de la défense sont tous morts ou ont tous fui. Quelques-uns continuent de résister çà et là dans le château mais ils seront bientôt vaincus."



Graham applaudit et marcha sur Sieghardt. Il mit une main sur l'épaule du Dark Avenger.



"Vous êtes incroyable ! Vraiment incroyable ! C'est une victoire totale, Seigneur Sieghardt !"



Sieghardt sourit humblement et regarda Graham. Graham s'approcha de la Sainte Relique avant de parler avec désinvolture.



"Le Seigneur sera très heureux. Il y a bien eu quelques malentendus au début, mais ils ne sont rien en comparaison de cette grande victoire. Je parlerai bien sur de votre excellent travail au Seigneur."



"Avez-vous vraiment besoin de le déranger ?"



Sieghardt se tenait debout aux côtés de Graham et observait la Sainte Relique silencieusement. Elle avait la forme d'une femme, debout sur un piédestal orné de joyaux. L'objet n'était pas une statue ordinaire. Il conférait au détenteur un pouvoir absolu sur les riches terres de Giran.



"Comme c'est curieux."



Graham écarquilla les yeux comme s'il demandait ce qu'il voulait dire.



"Vu sous cet angle…", le Dark Avenger retira le gant de sa main gauche, faisant face à la Sainte Relique, et fit un pas en avant.



Graham tendit la main dans un geste de défense. "Quoi? Comment ?" Il eut un rire nerveux et parla. "Sir Sieghardt, votre travail s'arrête ici."



Sieghardt sourit sans un mot.



"Arrêter de plaisanter. Prenez ma part de compensation. Je vous donnerai autant que vous voulez. Attendez que le Seigneur ait fusionné avec la Sainte Relique, comme prévu."



La main droite de Sieghardt alla à sa hanche puis se portant en avant à nouveau. Le geste était naturel et coulant, comme de sortir un mouchoir pour essuyer sa transpiration. Son sourire persista, tandis que la tête de Graham tombait au sol. Sieghardt remit son épée en place dans son fourreau, sans une goutte de sang.



"Je m'étais habitué à sa voix nasillarde. C'est presque triste de savoir qu'on ne l'entendra plus jamais." Ses subordonnés rirent chaleureusement.



Sieghardt déposa sa main gauche doucement sur la Sainte Relique. La statue et les joyaux devinrent rouges et une faible lumière commença à briller. La lueur se répandit dans le bras de Sieghardt, fut absorbée par tout son corps, puis ce fut fini. Ceux qui se trouvaient à proximité réalisèrent que le château venait juste de changer de propriétaire.



Sieghardt et ses mercenaires sortirent. Au milieu de la salle impériale, un tapis doré fut étendu. De l'autre côté, se trouvait une table incrustée d'or. Devant la table, on pouvait voir un insigne ondulé vert foncé. Sous l'insigne, il y avait un repose-pied créé à l'image d'une tête de loup. A côté du trône se tenaient les domestiques et le chambellan au service du Seigneur du château.



"Avez-vous quelque chose à dire ?"



Le chambellan sourit doucement et secoua la tête sans parler.



Sieghardt se dirigea lentement vers le trône et s'assit. Il posa son menton sur sa main gauche et croisa une jambe sur l'autre. Satisfait, il sourit. Le chambellan montrant la voie, les employés du château vinrent présenter les politesses d'usage au nouveau Seigneur.



Une vingtaine de boites en bois étaient éparpillées n'importe comment dans un pièce du second étage du château de Giran. Erika Ken Weber secoua la poussière de la dernière boîte et l'ouvrit pour voir ce qu'il y avait dedans. C'était de vieux outils de jardinage.



Erika s'exclama et frappa la boîte de toutes ses forces. Elle vérifia à nouveau les objets de la boîte; peu après, elle soupira de résignation et quitta simplement la pièce.



L'objet qu'elle cherchait avait déjà disparu.



Dans le hall, les cadavres, d'ennemis comme d'alliés tombés au combat, gisaient partout. Elle évita les corps et alla se poster devant une fenêtre. Dehors, elle pouvait voir les soldats fêter sauvagement leur victoire. La célébration en l'honneur du nouveau Seigneur était très bruyante.


Si l'objet qu'elle cherchait se trouvait toujours entre les mains de l'ennemi, elle devrait quitter le château avant la fin de l'année. De même que ses alliés.

Erika secoua la tête et retourna vers ses compagnons d'arme.


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